L'Art, dans sa forme la plus élémentaire, jette un pont mental entre deux personnes. On peut l'employer de nombreuses façons : au combat par exemple, un chef peut relayer des renseignements simples et donner des ordres directement à ses officiers subalternes, pour peu que ces derniers aient été formés à les recevoir. Quand l'Art est supérieurement développé, on peut l'utiliser à influencer les autres même s'ils ne sont pas exercés, ou l'esprit de ses ennemis en leur inspirant peur, confusion ou doute. Rares sont les êtres doués à ce point; mais celui qui possède l'Art à un degré hors du commun peut aspirer à communiquer sans intermédiaire avec les Anciens, qui ne sont inférieurs qu'aux dieux eux-mêmes. Bien peu s'y sont risqués et, de ceux-là, un nombre plus restreint encore a obtenu ce qu'il cherchait. Car il est dit que, si l'on peut interroger les Anciens, il n'est pas sûr que leur réponse concerne la question posée, mais qu'elle porte plutôt sur celle qu'on aurait dû poser. Et un homme risque de ne pas survivre à l'audition de cette, réponse. Car c'est lorsqu'on parle aux Anciens que le bien-être ressenti à l'usage de l'Art est le plus fort et le plus périlleux. Tel est l'écueil dont doit toujours se garder tout pratiquant, fort ou faible: en utilisant l'Art, il perçoit la vie avec une acuité nouvelle, il ressent une telle élévation de l'être qu'il peut même en oublier de respirer; c'est une attirance irrésistible, même dans les pratiques les plus courantes de l'Art, et assujettissante pour qui n'est pas animé d'une volonté inébranlable. Quant à la communication avec les Anciens, elle procure une exaltation d'une intensité à nulle autre pareille; celui qui parle à un Ancien risque l'annihilation totale de ses sens et de sa raison et il mourra délirant.